Le gouvernail
La partie basse du gouvernail a été retrouvée. Elle se compose d’une semelle en chêne, d’une longueur de 1,45 m, sur laquelle reposent les vestiges du safran composés de quatre éléments en peuplier, inclinés en arrière de 78°. L’épaisseur du gouvernail est de 27 cm, il est renforcé latéralement par des renforts en bois, par une broche qui traverse les quatre éléments conservés du safran et par des ferrures qui correspondent sans doute à l’accrochage des aiguillots.
Les épaves de la Mary Rose (1545) et du baleinier basque de Red Bay (le présumé San Juan, 1565) sont les seuls vestiges du XVIème siècle à être encore pourvus respectivement d’un gouvernail partiellement et totalement conservé.
La largeur de 1,45 m est tout à fait comparable à celle du gouvernail du vaisseau de 74 canons du XVIIIe siècle qui mesurait 1,44 m.
Les sabords
Sabord et mantelet in situ
Un sabord avec son mantelet en place ainsi qu'une partie d'un second mantelet ont été mis au jour. Le sabord en place est, avec une forte probabilité, un sabord d'artillerie. Cette observation est particulièrement intéressante quand on sait que le sabord d'artillerie est réputé pour avoir été inventé au tout début du XVIe siècle. Il s'agit donc de la découverte du sabord d'artillerie le plus proche de sa date d'invention. Le sabord était pratiqué dans la muraille au dessus d'une serre, à 60 cm au dessus du premier pont.
Le mantelet lui même est constitué de 7 éléments assemblés par des clous de fer : trois bordages horizontaux, ces derniers étant renforcés à l’intérieur par trois traverses verticales reposant sur une pièce horizontale. Deux ferrures verticales recouvrent extérieurement les bordages du mantelet. Le mantelet s’ouvrait en pivotant autour de son arête supérieure. Il a été trouvé fermé et calfaté par de l’étoupe, soulignant bien là la crainte majeure de voie d’eau apparue avec l’adoption de ce type d’ouverture.
La hauteur de la base de l’ouverture au dessus du pont est compatible avec l’usage de la pièce d’artillerie trouvée sur son affût et l’usage des roues de petit diamètre.(30 cm).
Canon en batterie
Deux références archéologiques sont à notre disposition : l'épave de la Mary Rose (1545) dont les sabords ont été très probablement installés au moment de sa refonte (passage d'une coque à clin à une coque à franc bord) en 1536, et l'épave d'Aurigny (1592), pour laquelle un mantelet de sabord de 46 x 37 cm comportant deux ferrures verticales a été retrouvé.
La soute à poudre
Les vestiges de la soute à poudre ont été localisés grâce à la présence de 21 tonnelets contenant une poudre noire, qui après analyse s’est révélée être du charbon de bois, seul constituant de la poudre (salpêtre, soufre, charbon de bois) n’ayant pas été dissout dans l’eau.
L’étude de la soute à poudre a été effectuée à partir des divers éléments conservés : épontilles, plancher et cloisons de manière à reconstituer sa structure, son volume et les principes ayant présidé à sa construction.
La soute est située à l’avant, à un endroit où les formes du navire varient très rapidement puisque la largeur totale de la soute au niveau du bau est de 6,40 m pour sa cloison arrière et n’est plus que de 4,40 m au niveau de sa cloison avant. Ces deux cloisons sont distantes de 1,85 m et la hauteur sous le bau du faux-pont est de 1,20 m. Nous ne savons pas avec certitude si la soute dépassait la hauteur de ce bau.
Si la soute était limitée à cette hauteur, elle pouvait contenir entre 60 et 70 tonnelets de poudre d’une contenance moyenne de 35 à 40 litres.
Aucune protection particulière, ni sur le plancher ni sur les cloisons, n’a été observée contrairement aux recommandations données à l’époque.
L'installation de la soute à poudre, alors qu'elle sera par la suite parfois installée à l'arrière, en particulier en France, est sans doute liée au fait que la cuisine était à cette époque traditionnellement installée à l'arrière, sur une sole de brique réfractaire. La présence d'un feu nu a probablement incité à éloigner le plus possible les poudres de la cuisine. Un contrat de construction génois, que nous avons étudié, indique bien cette localisation. Ces observations constituent le seul témoignage connu de ce type d'installation.
Le cabestan
Un cabestan presque intact a été trouvé un peu en arrière de l’emplanture du grand mât. Il est façonné dans une même bille de chêne et il comporte une cloche (la partie supérieure) ainsi qu’une mèche. L’ensemble mesure 1,85 m de long. La mèche incomplète est cylindrique, son diamètre est de 16 cm et la hauteur conservée mesure 0,55m.
La cloche du cabestan mesure 1,30m de haut, elle est de forme grossièrement tronc conique, la partie inférieure de section octogonale mesure environ 40 cm de diamètre, la partie supérieure, plutôt carrée avec des arêtes arrondies, mesure 30 cm de diamètre. Deux trous de section rectangulaire (hauteur 12 cm et largeur 9 cm), séparés de 5 cm, traversent la cloche perpendiculairement à deux niveaux différents, la partie haute du trou supérieur se trouvant à 21 cm du sommet. Ces trous, appelés amolettes, étaient destinés au passage des barres d’anspect, destinées à faire tourner le cabestan sur son axe. A la base, quatre taquets en châtaigner mesurant environ 0,47cm de hauteur étaient en place dans des gorges pratiquées dans la cloche pour les recevoir. L’un d’eux coulissait librement.
Il s’agit d’un des rares cabestans retrouvés. La seule référence archéologique est celle de la Cogue de Brême, daté de 1380 et retrouvé en 1962 dans la Weser.
La base de la cloche qui devrait comporter 8 gorges réceptionnant 8 taquets se trouve avoir une gorge qui n’a pas de trace de clouage (le taquet n’a pas été fixé) et, lui manque de surcroît deux autres gorges qui n’ont pas été façonnées pour recevoir ces dits taquets. Ces observations indiquent sans ambiguïté que le cabestan était en réparation ou en cours de confection et que, en conséquence, le navire était en carénage dans la baie de Villefranche, dont l’activité de port de réparation est connue.
D’ autres observations :
Le sep de drisse démonté et la présence de copeaux de bois dans les fonds confirment que de la Lomellina était bien en carénage au moment de son naufrage.
Le cabestan remonté à fait l’objet d’un long travail de conservation par le laboratoire ARC Nucleart de Grenoble : imprégnation au polyéthylène glycol pendant 35 mois puis lyophilisation pendant 3 mois et enfin, une opération de restauration pour consolider et améliorer l’aspect de l’ensemble.
Le sep de drisse
Restitution du sep de drisse en place sur la carlingue, en arrière du mât
Le sep de drisse constitue avec le cabestan et une poulie de drisse qui n'a pas été retrouvée, l'ensemble du dispositif servant à hisser la grande vergue. Le sep de drisse est une pièce exceptionnelle dont les trois éléments principaux ont été retrouvés, démontés et stockés dans la partie conservée de la cale. L'élément supérieur mesure 2,95 m de long et comporte sur sa partie supérieure, d'une section de 51 x 41cm, une " tête de maure " et deux clans (66 x 8,5 cm) destinés à recevoir deux réas (ces derniers n'étaient pas en place) dont le diamètre évalué devait est de 48 cm. La partie inférieure est destinée à être ajustée avec l'élément suivant au moyen d'un assemblage à mi-bois et de broches transversales de 35 mm de diamètre.
L’élément intermédiaire mesure 3,94 cm, il comporte deux extrémités permettant l’assemblage avec les deux éléments voisins par la méthode décrite précédemment et par une partie intermédiaire de 1,06 m de haut et de section 33 x 31 cm.
L’élément inférieur mesure 4,41 m de hauteur et comporte deux parties principales. La partie supérieure destinée à l’assemblage avec l’élément intermédiaire et la partie inférieure, qui repose sur une sole de 78 x 31 cm par 14 cm de haut, avec deux renforts latéraux de section trapézoïdale et d’une hauteur de 91 cm.
L’ensemble des trois parties assemblées mesure 8,22 m. Le sep de drisse se trouvait immédiatement en arrière du grand mât et sur l’avant du cabestan.
Il n’existe aucune référence archéologique concernant ce type d’équipement. La mention la plus ancienne que nous ayons trouvée est un manuscrit anonyme de la bibliothèque de Florence : Fabrica di galere, daté vers 1410-1420 et qui représente un sep de drisse d’une seule pièce mais équipé de deux réas et d’un pied étayé par deux renforts.
L’intérêt majeur de cette découverte est de nous permettre d’évaluer avec précision la hauteur de second pont dont aucun élément n’était conservé. Après étude, on peut estimer que la hauteur entre le plancher du premier pont (en partie conservé sur l’épave) et le plancher du second pont est de 2,37 m.
Les pompes de cale
Les observations effectuées permettent de localiser le système d’épuisement des eaux de la cale et de décrire au moins en partie les pompes, leur système d’évacuation et la structure de l’archipompe (les aménagements mis en place pour protéger les pieds de pompes).
Deux pieds de pompe ont été prélevés au cours du sondage effectué en 1982 par Alain Visquis (inventeur de l’épave). Les conditions de ce prélèvement ne permettent pas de savoir avec précision l’endroit où elles étaient implantées, toutefois leur morphologie, nous le verrons, permet d’assurer qu’elles étaient encastrées entre deux pieds de varangue.
Description d'un pied de pompe :
Pied de pompe de cale
L'ensemble monoxyle mesure 25 cm de hauteur et a une section horizontale de 19 x 17,5 cm, il est traversé verticalement en son centre par un conduit circulaire de 7,8 cm de diamètre. La partie supérieure mesure 8,8 cm de haut, elle a la forme d'une collerette légèrement tronc conique. L'extérieur de la collerette fait 10 cm sur sa base et sur sa partie supérieure, zone sur laquelle se trouve, sur la face externe, une encoche trapézoïdale de 3 mm de profondeur et de 4,5 cm de hauteur. Des traces de clouage sont visibles à la fois au fond de l'encoche et sur le pourtour de la collerette. La partie médiane de section rectangulaire (19 x 17,5 cm), dont les arrêtes sont arrondies, mesure 5,3 cm de hauteur. La forme générale est légèrement pyramidale. La partie inférieure a une forme plus complexe et a grossièrement la forme d'un tronc de pyramide inversé.
Les pompes sont toujours situées au niveau bas de la cale, à l’endroit ou les eaux usées ou de ruissellement se rassemblent par gravité. Elle sont situées ici à environ 6 m sur l’avant du grand mât. Cette situation, sous réserve qu’elle ne constitue pas une caractéristique singulière de la Lomellina, due à un défaut ou à une particularité de construction, est différente de celle qui a été observée sur d’autres navires contemporains construits suivant une tradition Atlantique (la Mary Rose et en particulier le Baleinier basque de Red Bay) car, ces Navires avaient leurs pompes installées à proximité immédiate de l’emplanture du grand mât, de part et d’autre de la carlingue en un endroit visiblement choisi et aménagé après la mise à l’eau du bâtiment et les essais de répartition des poids.
Schéma du pied de pompe de cale
L'implantation des pompes à cet endroit pourrait donc également constituer une pratique originale de la construction méditerranéenne au même titre que la structure de l'emplanture du grand mât et de la disposition des assemblages entre les varangues et les premières allonges. L'absence d'autres vestiges pose cependant le problème de l'installation des pieds de pompe au fond de la cale. Deux solutions sont possibles : une installation dans l'axe du bâtiment ou bien une implantation de chaque côté de la carlingue de manière à disposer d'une pompe efficace en fonction de la gîte du bâtiment.
Un système de pompe ayant le même principe a été retrouvé sur l’épave du baleinier basque de Red Bay (1565). On remarque ainsi que l’encoche se trouvant sur le pied de pompe servait à fixer la languette du clapet de cuir.
Les vestiges de l’archipompe (cloisons entourant les pieds de pompe) permettent de la situer dans les fonds du navire.
Les corps de pompe et le dispositif de pompage n’ont pas été retrouvés. Toutefois, les éléments retrouvés permettent de les rapprocher du système observé à Red Bay, un système très rustique composé d’une tige munie d’un clapet en cuir de diamètre différent.
Les conduits d'évacuation des eaux :
Conduits d'évacuation des eaux
Le plan montre bien leur structure, les conduits sont recouverts d'une série de planches de protection. Les conduits ne reposent pas directement sur le pont, ils doivent donc être soutenus par un dispositif particulier (cales et/ou épontilles). La sortie vers l'extérieur est circulaire et protégée en avant par une pièce de bois qui joue le rôle de déflecteur (probablement pour écarter les algues ou d'autres détritus), un clapet de cuir empêchait la remontée de l'eau dans le conduit.