Recherche des mouillages
La recherche des zones de mouillage s’est appuyée sur l’étude des documents nautiques anciens, tel que le «Flambeau des mers», les instructions nautiques modernes, les cartes ainsi que les récits de voyages et de campagne. Cinq zones baptisées AA, AB, AC, AD, AE ont été prospectées (Plan G 10/89).
La zone AA située au NNE de la bouée Nord du chenal d’accès au port de Dakar correspond à un mouillage par fonds de 20 à 23 mètres indiqué sur les cartes levées au XIXème siècle. Outre quelques objets contemporains (câbles métalliques, obus de la dernière guerre,….) les premiers sondages superficiels ont révélé la présence de charbon, de mâchefer et de nombreux éclats de pierre calcaire blanche. Le 5 avril, un sondage d’un mètre de profondeur a été réalisé au point AA1. Les mêmes éléments ont été mis au jour ainsi qu’une petite fiole en verre blanc et un tesson de grès noir, ils marquent un mouillage fréquenté par des navires à vapeur à partir du milieu du XIXème siècle.
La zone AB a fait l’objet de recherches visuelles par plongeurs par fonds de 10 à 20 mètres, pour tenter de localiser un point de mouillage. Ces recherches n’ont pas permis de découvrir de mobilier archéologique caractéristique d’une zone de mouillage.
Sondages n°801
Nous avons alors décidé de pratiquer un sondage, à l’aide d’une suceuse, par fond de 12 mètres, en un endroit indiqué sur les cartes du XVIIIème siècle comme étant un point de mouillage.
Le sédiment est constitué de sable coquillier de faible densité. Il est par conséquent très difficile de pratiquer un sondage rapide par tranches horizontales sans dégager une grande superficie, en raison de la pente très accentuée des remblais. Ainsi pour une surface dégagée inférieure à un mètre carré, à une profondeur de 1,20 m, la surface dégagée mesurait 3 x 3m sur le fond initial.
La stratigraphie observée est la suivante :
- une couche superficielle de 30 cm contenant des objets modernes provenant pour certains de rejets effectués depuis l’île.
- une couche intermédiaire de 50 à 60 cm d’épaisseur, pratiquement vierge, à l’exception de rares tessons de verre et d’un cylindre métallique recouvert de peinture dont l’enfouissement est dû à sa forte densité.
- une couche fertile située entre 80 cm et 120 cm de profondeur dans laquelle nous avons trouvé 26 objets, sans compter une dizaine de fragments d’os d’animaux et autant de petites concrétions métalliques.
Ces objets regroupés par catégorie sont les suivants :
- des céramiques d’origine européennes; fragments de jarres ibériques dites « olives jars » (datées de XVIIème au XVIIIème siècle), fragments de céramiques vernissées d’origine provençale (datées du XVIIIème au XIXème siècle), divers fragments de grès.
- des poteries d’origine africaines avec décor exécuté à la corde ou à l’aide d’arêtes de poisson et une pâte de couleur brun clair dont le dégraissant est fait d’écailles de poisson.
- de nombreux fragments de verre où dominent des éléments de bouteilles cylindriques ou carrées.
- une cuiller en étain
- une petite serrure en laiton.
Les conclusions que l’on peut tirer de ce bref sondage doivent être prudentes en raison de son caractère ponctuel. La présence d’un nombre significatif d’objets semble toutefois vérifier l’hypothèse que nous nous trouvons sur une zone de mouillage. La forte sédimentation au point du sondage est nettement mise en évidence, cette dernière atteignant environ 1 m. Les causes et la chronologie de cette sédimentation restent à élucider.
La faible densité du sédiment, le brassage superficiel dont il peut être l’objet par mauvais temps, du fait de la faible profondeur, font que la datation reste imprécise. L’absence de restes de charbon et de mâchefer, y compris dans les couches superficielles, contrairement à ce qui a été observé dans le sondage AA1, indique cependant que nous nous trouvons sur un mouillage qui n’a pas été fréquenté par les bâtiments à vapeur.
La présence de poteries africaines mélangées aux poteries européennes dont la fourchette de datation bien qu’assez large et centrée sur la fin du XVIIIème siècle n’est pas sans intérêt et devrait permettre à l’avenir de préciser leur période d’utilisation.
Bilan des deux campagnes
Le bilan de ces deux courtes campagnes est éloquent. Alors qu’aucun vestige sousmarin n’était officiellement connu et alors que notre projet avait rencontré au départ un certain scepticisme de la part des plongeurs ayant fréquenté les fonds marins de la région, les hypothèses avancées par le professeur Théodore Monod se sont révélées exactes. Il est à présent certain que les mouillages de l’île recèlent un nombre important d’objets qui témoignent de son passé maritime et que plusieurs épaves se trouvent sur le littoral de l’île.
L’épave n°803 nous a paru particulièrement intéressante, et à notre demande le Ministre de la Culture nous a accordé une autorisation de fouille, mais faute de moyens financiers nous n’avons pas encore pu mener à bien ce travail. D’une manière plus générale, nos recherches d’archives ont montré que l’ensemble des côtes du Sénégal recèle un nombre important d’épaves, ce qui milite pour la mise sur pied d’un programme de recherche archéologique sous-marine.