Une embarcation à voile sans balancier des Tuamotu
par Tara Higuily, Chargé des collections océaniennes au Musée de Tahiti et des îles (avec son aimable autorisation)
Quatre embarcations à voiles sans balancier, ont été observées par l’ethnologue américain Kenneth Emory en 1930 aux Tuamotu, dans l’aire géographique de Vähï-tahi : les deux premières à Vähï-tahi même, une autre à Nukutävake et la dernière à Aki-aki. Celle-ci fut donnée au Musée de Pape’ete par l’ethnologue en 1931. Les ligatures et les bancs délabrés ont été remplacés à l’occasion d’une restauration effectuée en 1951 par deux constructeurs de pirogues pa’umotu. De nos jours, elle est en exposition permanente au Musée de Tahiti et des îles-Te Fare Iamanaha.
D’après Mgr Mazé, archevêque de Pape’ete et ancien missionnaire aux Tuamotu à partir de 1918, ces embarcations étaient dotées de gréements semblables à ceux des cotres européens (une voile à livarde et un foc). S’il semble que celles-ci étaient des imitations de baleinières européennes à voile, la tradition orale pa’umotu fait de nombreuses références à des embarcations sans balancier avant l’époque du contact avec les navigateurs occidentaux : häveke-türei, une pirogue simple creusée dans un tronc de cocotier ou de gatae (Pisonia) ou puka et coupée de manière nette et carrée aux extrémités ; kuru kuru, une pirogue à la proue arrondie. De plus, en 1767 aux Tuamotu des pirogues sans balancier ont également été observées par Wallis.
Construites suivant des techniques purement pa’umotu, les embarcations à voile sans balancier des Tuamotu étaient destinées au transport inter-îles. Il semblerait que les Pa’umotu les aient désignées par le terme « pahi », auparavant réservé aux grandes pirogues doubles.
La ressemblance avec les pirogues à balancier de la même région est frappante, bien que ces dernières possédaient une largeur de coque proportionnellement bien plus étroite. Également dotées d’extrémités tripartites, que l’on retrouvait de manière uniforme dans les grandes pirogues doubles pa’umotu, ces embarcations avaient une longueur oscillant entre 7 à 10 mètres et une largeur entre 1,80 à 2,30 mètres. Des membrures d’une seule pièce, généralement au nombre de cinq, rigidifiaient l’ensemble. Directement disposées au-dessus des membrures, les banquettes pouvaient accueillir jusqu’à 30 passagers.
Le barreur était assis seul à l’arrière et manœuvrait un puissant gouvernail fixé par une ligature sur un pieu pivot planté au milieu du bau arrière.
Selon les informations recueillies par K. Emory, l’une des deux embarcations de Vähï-tahi était nommée Vaoroa-ia-raka (traduction : plafond de la sphère terrestre et sol de la sphère céleste), tandis que l’autre avait été construite en réutilisant de nombreux éléments d’une ancienne pirogue double.
Construite à Aki-aki vers 1880, l’embarcation du Musée de Tahiti et des îles-Te Fare Iamanaha (n° d’inventaire 749) n’était déjà plus en condition de naviguer en 1930, contrairement à celles de Vähï-tahi qui étaient encore en parfait état et toujours en service.