Compte-rendu fouille du Coureur :: Discovery of a shipwreck at Pointe aux Feuilles

Notes sur la Campagne Archéologique sur l’Épave de la Pointe aux Feuilles
Avril-Juin 2005




Une épave a été découverte par Armiyo Vurdapa Naiken, chef plongeur de la Ferme Marine de Mahebourg en octobre 2004 à la Pointe aux Feuilles (GRSE) à l’intérieur du lagon au bord du canal dans une profondeur allant de 4 à 14 mètres. Une étude archéologique préliminaire menée par les archéologues Ibrahim Metwalli du Département d’Archéologie Sous-Marine du Conseil Suprême des Antiquités d’Egypte et Yann von Arnim du Mauritius Museums Council et du Mauritius Marine Conservation Society a relevé que ce site recèle les restes d’un navire de petite taille. L’étude des documents historiques, la localisation de l’épave à la Pointe aux Feuilles ainsi que les premières observations sur les structures en bois et les objets associés laisse supposer qu’il s’agit-là probablement de l’épave de la goélette française Le Coureur impliquée dans la traite illégale d’esclaves en 1821.

Une campagne archéologique complète d’une durée de 2 mois et demi a débuté le 7 avril 2005 et c’est terminée le 27 Juin 2005. Le but de cette étude est de vérifier l’identité de cette épave ainsi que de dresser un plan détaillé de structures et d’exploiter une partie de l’épave pour en retirer des objets d’importance historique et archéologique. Dans ce cadre le gouvernement égyptien au travers du fond egyptien de coopération technique avec l’Afrique a envoyé à Maurice l’archéologue sous-marin Ibrahim Metwalli du Conseil Suprême des Antiquités.

Cette campagne a été placée sous la direction du Mauritius Museums Council et du National Heritage Fund avec l’appui du Bureau du Premier Ministre et du Ministère des Arts et de la Culture. Les autres organismes partenaires sont la Mauritius Marine Conservation Society, la Mauritian Scuba Diving Association, le Mauritius Underwater Group ainsi que les sociétés Ferme Marine de Mahebourg, System Building Ltd., Phoenix Beverages Group et Compagnie de Beau Vallon.

Le site d’une surface totale de 600m2 a été partiellement exploité. Trois zones de 2x4m situées à l’avant, à l’arrière et au milieu de l’épave ont été étudiées. Approximativement 500 objets ont été remontés. Il s’agit de chevilles en cuivre, de feuilles en cuivre, des plaques en plomb, des balles en plomb pour mousquet et espingoles, des fragments de bouteilles et de céramiques, des bols en porcelaines, une assiette en étain, des poulies en bois et des maillons de ce que pourrait être des chaînes d’esclaves. Des nombreux indices indiquent que l’épave de la Pointe aux Feuilles est bien le Coureur. Parmi les indices de nombreux objets datant du début du 19e siècle, une structure identique à celle d’une goélette, une étrave cassée indiquant que ce navire c’est échoué, la situation à la Pointe aux Feuilles et une quantité importante de lest (typique d’un navire négrier).
En détail on trouve les points suivants:

1. L’épave est située à la Pointe aux Feuilles. Des recherches historiques mené depuis plus de 20 ans par Yann von Arnim et d’autres historiens sur les épaves montre que seul deux navires ont coulé à la Pointe aux Feuilles. Le Coureur en 1821 et l’Actif en 1804. L’Actif transportant une cargaison de bois de nattes, a été incendié à l’ancre par les britanniques. Ce navire a de ce fait coulé en eau profonde à l’intérieur du lagon dans le canal entre la Pointe du Diable et la Pointe aux Feuilles. Le Coureur par contre c’est échoué sur le récif bordant le canal en face de la Pointe aux Feuilles ce qui correspond exactement à l’épave étudié.

2. L’aspect général de la structure encore visible sous l’eau correspond parfaitement aux informations historiques sur le Coureur à savoir qu’il s’agit d’un lougre ou d’une goélette à deux mâts.

3. La coque est d’une solide construction étant donnée que les membrures sont très proches l’une de l’autre. Cette caractéristique correspond au Coureur et à ses types de voyage proche des cotes et des récifs.

4. Les structures en bois de l’épave de la Pointe aux Feuilles montre clairement des traces de brûlures. Donc comme le Coureur ce navire a brûlé.

5. L’étrave ainsi que l’avant de l’épave de la Pointe aux Feuilles a été détruit par un violent choc contre le récif. (identique au Coureur).

6. La taille des structures telle la quille, la carlingue, la coque, les courbes de liaison, les cadènes ainsi que les dalots correspondent avec la taille du Coureur.

7. L’épave de la Pointe aux Feuilles transportait une grande quantité de ballast ou de lest ce qui est typique des navires négriers. En effet une cargaison humaine est mobile et nécessite de ce fait une meilleure stabilité du navire.

8. Le type de ballast de cette épave est très variable. Il s’agit de roches qu’on trouve dans la région de l’Océan Indien a savoir à Maurice, à Madagascar, aux Seychelles et sur les cotes Est de l’Afrique. Ce ballast peut donc correspondre aux voyages qu’a effectué le Coureur.

9. Des nombreuses chevilles et clous en bronze trouvé sur l’épave de la Pointe aux Feuilles datent clairement du début du 19ème siècle. Ils sont par ailleurs identiques a ceux trouvés sur les épaves du Sirius et de la Magicienne qui ont coulés en 1810. (Correspond au Coureur qui a coulé en 1821).

10. Le plaquage de cuivre dont était recouvert la coque externe de l’épave de la Pointe aux Feuilles date aussi du début du 19ème siècle (similaire au Sirius & Magicienne 1810)

11. Des goulots de bouteilles cylindriques retrouvés sur notre épave proviennent de bouteilles de vin français du début du 19ème siècle.

12. Un fond de bouteille carré provient d’une bouteille de gin aussi du début du 19ème siècle.

13. Plusieurs bols de porcelaine type Bleu-Blanc de Chine sont datés de la période Jiaquing c'est-à-dire entre 1796 et 1820. Il s’agit de porcelaine grossière communément utilisée par les marins au début du 19ème siècle.

14. De balles en plomb d’un gros calibre caractéristiques de gros fusils type espingole pouvaient servir de projectiles pour éviter toute révolte des esclaves.

15. Quelques objets retrouvés sur l’épave de la Pointe aux Feuilles tels des maillons de chaînes peuvent très probablement être reliés à la traite négrière.

L’ensemble de ces indices tend à dire que l’épave de la Pointe aux Feuilles est très probablement celle du navire négrier Le Coureur qui a coulé en 1821. Beaucoup d’autres analyses seront menées pour essayer d’identifier cette épave. Tel que c’est le cas pour la plupart des sites archéologique sous-marin, l’épave de la Pointe aux Feuilles demande encore plusieurs autres missions pour être mené à terme.

Keel and hull near the bow Midship section (hull & ribs)
Ribs, keel & keelson, side view Ballast stones strata