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Les pots à feu
et les grenades incendiaires
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Parmi les armes mises au jour figurent divers types de projectiles
incendiaires généralement en terre cuite.
Les pots les plus grands se présentent comme de petites amphores (possédant
deux anses) à fond plat, en terre cuite mesurant 30 cm de hauteur et
ayant un diamètre à la panse de 18 cm (fig.12).
Le goulot d'un diamètre extérieur de 6 cm mesure 11 cm de hauteur
comporte à sa base deux petites anses circulaires. La panse de couleur
gris noir porte des traces de tournage La partie supérieure du goulot
porte encore la trace d'un enduit de cire. Les anses sont petites et ne paraissent
pas conçues pour être saisies à la main. L'intérieur
contenait encore un résidu de poudre de charbon de bois. Il s'agit
probablement d'un projectile incendiaire cacheté à la cire qui
comportait une mèche de mise de feu.
Le poids et l'encombrement du projectile excluent qu'il puisse être
lancé à la main à moins qu'il ne soit destiné
à être lâché depuis l'extrémité d'une
vergue ou plus sûrement d'une hune.
Ce type de projectile n'est pas mentionné explicitement dans les inventaires
que nous avons consulté, mais il en est fait mention dans les nombreux
traités ou mémoires datés de la deuxième moitié
du XVIème siècle et du début du XVIIème
consacrés à l'artillerie et aux artifices sous le nom de pots
à feu ou firepots. (Ufano, 1614, p.144), (Collado, 1592, p.83), (Boillot,
1603, p.150), (Cataneo, 1571, p.25), etc...
Ces pots étaient utilisés soit comme projectiles incendiaires
soit comme projectiles explosifs, lancés à la main depuis un
point haut : hune, château ou à l'aide d'une fronde. Les compositions
pyrotechniques utilisées dont les composants principaux sont la poudre
à canon, le salpêtre et le soufre, sont extrêmement variées.
Nous citerons à titre d'exemple celle indiquée par Diego Ufano
: poudre à canon, 8 onces; soufre, 8 onces; salpêtre, 8 onces;
sel d'ammoniac, 8 onces; camphre, 2 onces; sel commun une poignée,
le tout mélangé avec de la poix liquide ou de l'huile de pétrole
ou de l'huile de lin. Pour faire un projectile explosif on y ajoute des dés
de fer et des balles de plomb et une amorce introduite dans l'ouverture. Les
petites anses sont utilisées pour y attacher les mèches destinées
à la mise à feu. Une référence archéologique
de ce type de pot à feu munis d'anses (bien que de dimensions plus
réduites) nous est fournie par la fouille de l'épave du San
Antonio de Tanna trouvée près de Mombassa (Piercy, 1977,
346).
Balles
à main, pignatta, alcancias
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D'autres projectiles ont été retrouvés en assez grand
nombre, au total près d'une centaine, entiers ou fragmentés.
Leurs dimensions et leur poids en font de véritables armes de jet individuelles.
Ils se répartissent en quatre types différents :
Les premiers sont simplement des pommes de pin pignon évidées,
distinctes des nombreuses pommes de pin pignon retrouvées entières
et sans doutes destinées à la fois à la consommation
des pignons et à l'allumage du feu. Ces pommes de pin évidées
étaient probablement aussi remplies de poudre et cachetées à
la cire. Dans les inventaires de certaines naves, le terme de
pignatta désigne les projectiles incendiaires du type grenade, mais
dans la langue courante, pigna désigne précisément la
pomme de pin. Ces dernières représentent sans aucun doute les
grenades incendiaires les plus primitives.
Les autres projectiles sont des pots en terre cuite de trois types qui diffèrent
moins par leur taille et leur contenance que par la forme de leur ouverture.
Leurs formes ne sont pas exactement standardisées, ils mesurent entre
10 et 11 cm de haut avec un diamètre au niveau de la panse de 11 cm,
le diamètre du pied varie quant à lui entre 6 et 8 cm.
- Le type 1 (fig.11) a un goulot droit ou très légèrement
évasé d'un diamètre extérieur de 36 mm, on trouve
parfois des traces de cire sur toute la surface extérieure. Ce type
de pot à une forme qui rappelle la forme de la grenade, le fruit du
grenadier, et on peut penser que cette similitude de forme illustre l'étymologie
du mot grenade dans son acception militaire. Seuls des pots de ce type ont
été retrouvés contenant encore une poudre noire qui s'est
révélée à l'analyse être du charbon de bois.
- Le type 2 a une ouverture dont les bords extérieurs sont droits,
qui mesure 52 mm de diamètre extérieur.
- Le type 3 a une ouverture évasée dont le diamètre extérieur
est d'environ 60 mm.
Le type 1 correspond aux balles à main (Ufano, 1614),
alcancias (Collado, 1592), pignates de feu : cent
et dix pignates à feu dans Etat des meubles de la
nef du Roy appelée la Marguerite (Archives des Bouches-du-Rhône,
B 1260 f°385) , pigniatte di fuoco : pigniatte di fuoco quaranta
dans l'inventaire d'une galère de Andrea Doria (Borghesi, 1970, p.191),
pignatta artificiata (Gentilini, 1598), projectiles incendiaires cités
par de nombreux auteurs et embarqués en grand nombre. Diego Ufano distingue
d'ailleurs les pots à feu des balles à main et un inventaire
d'un navire du Duc de Bourgogne daté de 1436 parle de : petits
pots de terre ronds à mettre pouldre et croye pour gicter a combattre
sur vaisseaulx de mer (Paviot, 1995, p.301). Les compositions
pyrotechniques sont identiques à celles des pots à feu. Une
référence archéologique des alcancias nous est fournie
par la fouille de la Trinidad Valencera (Martin, 1994, p.208).
Les deux autres types correspondent à des projectiles évoqués
après Végèce par Eustache Lemoine en 1216 et pouvant
être remplis de chaux vive pots de terre à mettre chaux
vive (Paviot, 1995), de savon vert ou d'autres produits destinés
à gêner l'adversaire et dont l'usage remonte à l'Antiquité.
Hannibal fict enfermer une grande quantité
de pots de terre, de grands serpents venimeux, bien enclos, desquels il se
servit aux assaults qu'il eut sur la mer. (Boillot, 1603, p.150).
La différence de forme pouvant être à la fois un moyen
pour différencier les types de grenades et d'en faciliter l'identification,
mais aussi destinée à permettre un meilleur remplissage des
différents produits. Dans ces conditions on pourrait avancer l'hypothèse
que le type 3 était plutôt destiné à la chaux vive
dont la manipulation délicate pouvait être facilitée par
une ouverture plus large et un goulot en forme d'entonnoir.
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©
Max Guérout