Les câbles sous-marins dans l'avant goulet de Brest


Le premier câble sous-marin reliant Brest, Saint-Pierre et Cap Cod fut commandé par la Société du Câble Transatlantique Français en 1869. Le câble fût fabriqué par la firme Telegraph Construction and Maintenance Company et posé par le Great Easternaidé par de nombreux navires auxiliaires. L'opérateur du premier câble sous-marin français fut cependant en 1873 l'Anglo-American Telegraph Company.

En 1879, Mr. Pouyer-Quertier fonda une nouvelle entreprise, la Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New-York, et passa commande d'un nouveau câble reliant Brest à Saint-Pierre, avec des extensions à la fois vers Cap Cod (Massachussetts) et Cap Breton (Terre-Neuve). L'entreprise fût très tôt connue sous les initiales de son fondateur : " PQ ". Le surnom devint si populaire que pendant de nombreuses années, les britanniques et les autres pays d'Europe nommèrent PQ toutes les compagnies françaises s'occupant de câbles transatlantiques.

En 1880, la compagnie ajouta à son réseau une extension de Brest à Porthcurnow (Cornwall) pour récupérer le trafic venant de Londres. Un peu plus tard, pour éviter une compétition frontale, PQ signa un accord de partage avec l'Anglo-American Telegraph Company.

En 1895, à l'initiative de Pouyer Quertier, la Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New-York fusionna avec la Société Française des Câbles Télégraphiques, qui conserva le surnom de PQ en France et qui devint totalement indépendante des compagnies anglaises et américaines. Du côté américain, la compagnie fut connue comme la French Telegraph Cable Company ou FTCC.
L'une des premières tâches de la nouvelle compagnie fut de poser un nouveau câble entre Brest et Cap Cod. Fabriqué à Calais par la Société Industrielle des Téléphones (SIT), il fallut, en 1897-98, quatre campagnes du navire câblier, François Arago, pour le poser. Avec 3 173 milles nautiques, c'était le plus long câble sous-marin jamais posé. La partie centrale du câble pesait 480 kg par nautique (300 kg de cuivre conducteur et 180 kg de caoutchouc isolant). Dans les sections situées à grande profondeur, la partie centrale était armée par un ensemble de 24 fils d'acier de 2mm de diamètre. Le câble était particulièrement sujet à se tordre et à se vriller rendait son maniement et sa pose très difficiles.

Le premier câble reliant Brest à Saint-Pierre et Cap Cod qui atterrissait à Duxbury (Massachussetts) fut abandonné en 1898. En 1899, une extension fut posée entre Cap Cod et Coney Island (New-York).
Le réseau PQ comprenait :

- le câble Brest/Saint-Pierre, Cap Cod posé en 1879.
- Le câble Brest/Cap Cod posé en 1898 et connu sous le nom de "Direct".
- Le Câble Brest/Porthcurnow posé en 1880.
- Le câble Cap Cod/New-York posé en 1899.

En 1891, les terminaux des Etats-Unis furent regroupés à la station de Orleans Cove, maintenant Musée de la Station des câbles français.
Du côté français, le premier câble, posé en 1869, atterrissait au Nord du Goulet de Brest sur la plage située sous le phare du Minou. En 1879, on chercha un endroit éloigné de Brest permettant l'installation d'une station terminale. L'anse de Deolen située au Nord du phare du Minou fut choisie. Toutefois, l'extension vers Porthcurnow atterrit à Brignogan afin d'éviter un long détour autour de l'île d'Ouessant.

A la fin de la première guerre mondiale, le câble allemand reliant Emden, Fayal (Açores) et New-York fut attribué à la France. Il fut dérouté vers Deolen en 1920 et PQ fut chargé de cette opération. Pour permettre à Londres l'accès à trois câbles transatlantiques, une seconde extension fut mise en place entre Porthcurnow et Brignogan.
En 1929, le câble Brest/Cap Cod fut endommagé par un tremblement de terre au sud du banc de Terre Neuve et il fut abandonné.

Jusqu'en 1925, il n'y avait pas de station terminale à Deolen, juste un petit bâtiment situé 200 m au-dessus du point d'atterrissage. A cet endroit, les câbles étaient connectés à une ligne enterrée sur 17 kms jusqu'au bureau de poste de Brest. Le bâtiment contenait des équipements de mesure pour contrôler le fonctionnement des câbles sous-marins et localiser les défauts dans leur section sous-marine. A Brest, les messages reçus sur les câbles transatlantiques étaient transmis manuellement sur les lignes à destination de Londres et de Paris. Le récepteur des câbles transatlantiques était équipé d'un système graphique. L'opérateur déchiffrait le message reçu et le tapait à la machine, puis le message était passé au télégraphiste qui le transmettait à Paris via le réseau de télégraphe français et à Londres par Porthcurnow. D'abord envoyés manuellement, les messages furent ensuite transmis au moyen de bandes perforées par des transmetteurs automatiques.

En 1922, PQ décida de centraliser à Deolen la gestion des câbles sous-marins. Une nouvelle station fut bâtie à l'endroit de l'ancien bâtiment et la réception des bâtiments eut lieu en 1925. La maison du Directeur,construite sur une hauteur, était superbement située avec une vue admirable sur la mer d'Iroise.
La nouvelle station fut dotée d'équipements de réception plus modernes qui permirent d'augmenter la vitesse de transmission des messages et surtout d'utiliser le Direct en duplex (envoi et réception simultanés de messages dans les deux sens). 

En juin 1940, l'armée allemande occupa Brest et les câbles Brest/Cap Cod, Brest/Fayal et Brest/Porthcurnow cessèrent immédiatement de fonctionner. Les forces allemandes n'endommagèrent pas les câbles sous-marins au large de Brest, mais plus au large, les anglais coupèrent ceux-ci et les détournèrent vers les îles Britanniques pour leur propre usage. Pendant l'occupation, les allemands exercèrent un contrôle très strict pour s'assurer que les câbles n'étaient pas utilisés au profit des activités clandestines. D'un autre côté, aucune installation ne fut détruite et celles-ci furent mises entre les mains de spécialistes allemands des câbles sous-marins.
Brest et Deolen furent libérés après un siège de 40 jours, le 3 septembre 1944. Malgré les intenses bombardements de l'artillerie et de l'aviation, la station resta intacte. Elle fut abandonnée par les troupes allemandes sans dommages et fut instantanément prête à fonctionner. 

En 1945, le câble Brest/Fayal, réparé par les câbliers anglais, fut à nouveau en état de fonctionner. Pour assurer la liaison avec Londres, le câble Brigognan/Porthcurnow fut dérouté vers Deolen au moyen d'une extension mise en place en 1947.
Les réparations du câble " Le Direct ", rompu et endommagé en de nombreux endroits, furent beaucoup plus longues. Au moins trois coupures se trouvaient situées à des profondeurs comprises entre 3000 et 4000 mètres. Les réparations furent entreprises par le câblier Pierre Picard, construit en France en 1913, sous le nom de Edouard Jeramec, puis vendu en 1929 à la All American Cables. Racheté en 1946 par l'administration des PTT, il fut rebaptisé Pierre Picard. Les travaux commencèrent du côté ouest de l'Atlantique. Le Pierre Picard appareilla du Havre en janvier 1949 et commença les réparations sur le plateau continental au large du Cap Cod sur une distance d'environ 200 milles. Plus de dix coupures furent réparées et, en mai 1949, une nouvelle extrêmité côtière fut mise en place. En septembre 1949, le Pierre Picard était de retour à Brest, ayant effectué toutes les réparations entre le Cap Cod et le milieu de l'Atlantique. Plusieurs autres campagnes furent cependant nécessaires pour venir à bout des avaries du câble et ce n'est qu'en 1952 que "Le Direct" fut à nouveau opérationnel.
En 1945, la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques cessa ses activité et le gouvernement français confia la gestion des câbles transatlantiques de la PQ à la Compagnie des Câbles Sud-Américains , l'autre compagnie française plus connue sous le nom de Sudam.

La compagnie des PTT assura la gestion de deux autres câbles posés avant la seconde guerre mondiale à partir du phare du Minou, au même endroit que le premier câble transatlantique.L'un à destination de Casablanca (Maroc) et l'autre à destination de Dakar (Sénégal). Ils étaient connectés à une ligne enterrée jusqu'au terminal du bureau de poste de Brest . Ce dernier ayant été détruit pendant le siège de Brest en 1944, et le nouveau bureau ne pouvant être relié au phare du Minou, les deux câbles furent transférés à Deolen. En 1952, les PTT transférèrent leurs câbles africains à la Sudam qui occupa, à nouveau seule, la station de Deolen.
"Le Direct" fut abandonné en 1959, la station de Deolen fut utilisée jusqu'en 1962, date de l'abandon du câble Brest/Fayal/New-York.


D'après, René Salvador, A short History of French Trans-Atlantic Telegraph Cables from French viewpoint, in Instrumentation and Measurement Society Newsletter, Spring 1995 Issue.