L'histoire du logo du GRAN

Lorsqu'en 1981, a germé l'idée de créer une Association pour soutenir nos activités de recherches sous-marines, nous avons d'abord cherché quel nom lui donner, puis ensuite par quel logo la symboliser. Il se trouve que trois ans auparavant Philippe Tailliez et moi avions partagé une expérience rare. J'avais à cette époque, à la demande de la Marine à Toulon, illustré par une série de dessins à l'encre de Chine quelques-uns des textes magnifiques tirés de « Plongées sans câble ». L'expérience avait à ce point séduit et touché Philippe, qu'il me proposa de l'accompagner dans l'écriture des premiers chapitres de son livre dont il avait déjà trouvé le titre : « Un océan d'incertitude ».

L'un des premiers chapitre était consacré à une réflexion sur le parallélisme entre plongée sous-marine et mémoire. L'idée était qu'écriture et dessin se répondent dans un dialogue où Philippe puiserait son inspiration. J'étais enthousiasmé par ce projet et comme nous étions voisins, une ou deux fois par semaine, nous passions de longs moments, jusqu'à la nuit tombée, à parler de ce thème. De ces entretiens finirent par « émerger » trois dessins : le premier était celui d'un plongeur découvrant l'épave d'une immense horloge, comme celle du vaisseau du temps ; le second plus évocateur encore, celui d'un plongeur plongeant dans un sablier. C'est ce dernier qui remanié devint le logo du GRAN ; le troisième a une histoire plus étrange...

Dessinant rapidement au pinceau une série de plongeurs, je jetais en les froissant ceux qui ne me convenaient pas. Au moment de vider la corbeille à papier, je portais un œil distrait sur les dessins rejetés la veille et quelle ne fut pas ma surprise de constater que l'un d'eux s'était imprimé sur l'autre moitié de la feuille que j'avais pliée en deux. Comme le pli passait au milieu du corps du plongeur, deux plongeurs symétriques se croisaient. Le premier bien net, le plongeur réel et le second un peu flou, son ombre, son double ou sa mémoire. L'image était saisissante et me remémora immédiatement un texte écrit par Philippe tout à la fin de « Plongées sans câble »: « Plongeur, avance aux bords de ta caverne, avance encore un peu, nage de tous tes membres, regarde sur les parois, parmi les ombres qui passent, si l'une d'elles s'accorde à ton destin ».

Cette « réflexion » du plongeur sur lui-même se trouve singulièrement renforcée si on prend conscience de l'analogie du dessin et des taches du test de Rohrchart qu'utilisent souvent les psychologues.

« Un océan d'incertitude » ne fut malheureusement jamais écrit, mais parmi beaucoup d'autres reste ce modeste témoignage.