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Hervé de Portzmoguer

Hervé de PortzmoguerD
u capitaine mythique de la Cordelière, on ne sait en définitive que peu de choses sinon que le début de sa vie aventureuse fût, à coup sûr, moins glorieux que la fin.
Originaire du Léon, la pointe extrême du nord Finistère, sa famille possédait un manoir dans la paroisse de Plouarzel, non loin du Conquet ; elle appartenait à la petite noblesse qui dominait la société rurale de l'époque. Le manoir, sans doute l'une de ces bâtisses austères construite en granite que l'on voit encore sur cette côte escarpée, hérissée de roches dangereuses frangées d'écume, qui fait face aux îles de Molène et d'Ouessant, était situé près du rivage qui borde le Chenal du Four. La mer occupe une grande partie de l'espace mental des populations du rivage et on imagine sans peine comment pouvaient se forger les vocations maritimes. Mais les Portzmoguer exploitaient aussi leurs terres et leur devise était le symbole de cette double occupation : en breton " War vor ha var zouar ", ce qui veut dire : " Sur terre et sur mer ".

On ne sait pas avec exactitude la date de naissance d'Hervé de Portzmoguer, mais on la situe entre 1473 et 1478. L'étude des archives permet de faire remonter la première mention de la famille à Tanguy de Portzmoguer, prêtre chanoine de Plougar en 1467 et au frère de ce dernier dont descendra finalement Hervé, deux générations plus tard.

On en est réduit à des conjectures pour savoir ce qu'a pu être l'enfance, l'adolescence puis la jeunesse de ce nobliau breton, puisque le premier document qui mentionne son nom ne date que de 1503. On imagine sans peine les cavalcades sur la grève et dans les champs, les courses et les bagarres avec ses pairs ou avec les jeunes paysans travaillant sur les terres de Portzmoguer ou alentours, une éducation délivrée par quelque ecclésiastique de la famille et peut-être un maître d'armes pour lui apprendre à monter et à manier l'épée. Dans le port voisin du Conquet, il est facile de trouver à s'embarquer pour apprendre le métier de la mer. Ces parages difficiles, exigeants, constituent un terrain d'apprentissage idéal.

C'est donc naturellement qu'Hervé choisit la carrière maritime. Le jeune breton est alors un capitaine d'une trentaine d'années lorsque le roi Louis XII décide d'affréter ses navires.
En temps de paix, naviguer par ces mers inhospitalières n'est pas chose facile : aux dangers que les éléments dressent sur la route des navigateurs, s'ajoute une foule de prédateurs plus ou moins dangereux que l'armement du bord ne suffit pas toujours à dissuader.

En temps de guerre, et c'est le cas avec l'Espagne en 1503, l'institution des convois escortés, déjà établie depuis 1372, est mise en pratique. Les navires de commerce sont rassemblés et placés sous escorte d'une petite flotte de navires en général affrétés, car les navires royaux ne sont pas nombreux. C'est précisément la tâche qui échoit à Hervé de Portzmoguer qui se trouve à la tête de cinq bâtiments lui appartenant au milieu d'une petite division composée de seize navires. Pour subvenir aux dépenses ainsi engagées, une taxe spéciale était levée sur les marchandises transportées.

Cependant, sur les côtes d'Armor et de Léon, la vie en mer recouvre une réalité qui échappe aux définitions simplistes. Du service du roi au service personnel et de l'escorte des convois à la piraterie il n'y a qu'un pas, et Hervé semble l'avoir franchit avec aisance.
Mais les services rendus lui valent cependant une reconnaissance inattendue de la Duchesse Anne de Bretagne. En 1505, à l'occasion du pèlerinage traditionnel de cette dernière à Saint Jean du Doigt, elle demande à visiter la Cordelière, dont elle suit les navigations avec intérêt depuis l'expédition de Mytilène. Elle désire aussi rencontrer Hervé, mais celui-ci craignant sans doute les conséquences de la réputation qu'il s'est forgée a, dit-on, pris la mer pour ne pas subir les reproches de sa souveraine.
Elle le fit chercher et, sans doute séduite par le personnage, lui confia le commandement, contre toute attente, de la Cordelière.

Ses activités antérieures eurent vite fait, cependant, de le rattraper et un an plus tard il fût condamné avec plusieurs de ses compagnons pour avoir pillé un navire écossais, appartenant à Jehan Abreton et Georges Yvon. La sentence fût appliquée avec d'autant plus de rigueur que l'Ecosse était l'alliée de la France.
Quelques années plus tard, en 1510, une autre affaire, plus sérieuse, lui valut de recevoir un mandement du Procureur Général. Il semble bien que Jehan de Keraret ait trouvé la mort à la suite d'un duel ou d'une rixe.

A la même époque ses incursions sur la côte anglaise lui valent l'inimitié tenace des anglais, et le capitaine Conhort, qui commande le Nicolas de Hamptoncourt, vient témoigner avec l'Ambassadeur d'Angleterre auprès du roi de France et se plaindre que : "plus de trente navires ont esté à ces dernières vendanges prins et pillés par le capitaine Portzmoguer".
La rancune des anglais lui vaudra de voir son manoir brûlé par les troupes de l'amiral Howard au printemps 1512.