Cher Monsieur Mercier,
Je vous remercie d’avoir choisi le forum pour me répondre. Mes travaux portent essentiellement sur la construction de pirogue actuelle de Raivavae, une île de l’archipel des Australes au sud de la Polynésie française. Voici quelques éléments de réponse concernant la couture des planches des bordés, les fibres utilisées, les noeuds, le calfatage, les traitements des bois.
1/ La couture des planches des bordé et les fibres utilisées :
Il serait judicieux de parler des coutures car il en existe deux sortes. Les provisoires réalisées en cours de montage et d’assemblage. Ce sont le plus souvent des liens en écorce de purau (Hibiscus tiliaceus). Les ligatures se faisaient autrefois en fibre de bourre de noix de coco tressée mais de nos jours la cordelette nylon l’a remplacé. Les pièces de bois sont champ sur champ et les coutures sont traversantes. Celles verticales sont en continues sur toute la hauteur de la « planches » en point diagonale. Celles horizontales sont des points doubles tous les 30 cm de distances. Les coutures horizontales (éventuelles) sous la coque ne sont pas ligaturées. Des chevilles bois de fer sont utilisées pour le maintient des différentes parties de la pirogue.
2/ Les noeuds
Les liaisons des différentes parties de la coque et du balancier sont arrêtées essentiellement en passant la cordelette ou la tresse en dessous de la couture ou par plusieurs tours morts. Mais les charpentiers se servent aussi de quelques nœuds d’arrêt et d’amarrage. C’est une déclinaison du nœud simple (nœud simple double, plat) ou des demi-clefs (demi-clef, 2 demi-clefs, cabestan). Le nœud de cabestan est couramment utilisé en dehors du monde marin ou de celui des constructeurs de pirogues. Il sert à attacher les fruits d’arbre à pain en paquet, appelé en Tahitien pe’eta ‘uru.
3/ Le calfatage
L’étanchéité est obtenue par l’utilisation conjointe de deux matériaux : du goudron et de la toile tissée de sac qui remplace respectivement la sève de l’arbre à pain et la bourre de coco ou la gaine entourant l’inflorescence du cocotier d’autrefois. Ce n’est pas un procédé de calfatage a posteriori qui est réalisé après le montage des pièces de la coque en enfonçant dans les jointures une étoupe. Mais l’étanchéité est mise en place au fur et à mesure de l’avancement de l’assemblage définitif de la pirogue entre les pièces de bois.
4/ Les traitements des bois
Les pirogues sont mises au sec systématiquement après usage afin d’éviter le dépôt d’algues et de coquillage. Autrefois les pirogues n’étaient pas peintes. Elles étaient confectionnées de préférence dans des bois ayant une bonne tenue aux insectes xylophages. Par exemple le hutu (Barringtonia speciosa) est une plante ichtyo-toxique utilisée traditionnellement. Est-ce que cette caractéristique en fait une essence qui permettait un auto-traitement du bois ?
En 1961, les observateurs indiquent que les pirogues n’étaient pas peintes. Actuellement, elles sont toutes peintes ou enduites d’une résine synthétique. Les couleurs utilisées sont les bleus (dont les maisons sont peintes aussi), le blanc, le rouge et les verts.
J’espère que ces éléments correspondent à votre attente.
Cordialement,
Robert Veccella