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SUJET : Bayonne : Inauguration de l'exposition "Tromelin"

Bayonne : Inauguration de l'exposition "Tromelin" 21 Jui 2017 11:51 #42275

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L'inauguration de l'exposition "Tromelin, l'île des esclaves oubliés" a eu lieu comme prévu le 15 juin 2017 au Musée Basque de Bayonne. A cette occasion, Jacques Battesti, attaché de conservation et chargé de l'installation de l'exposition a prononcé une courte intervention dont vous trouverez ci-après le contenu, elle mérite qu'on s'y attarde un moment :

"Bonjour à tous,

D’une manière générale, l’objectif du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne, musée de société et d’histoire, est double. Il est d’une part de rendre compte de l’existence des populations de ce territoire, dans ses multiples dimensions : modes de vie, productions artistiques et artisanales, environnement matériel, croyances, imaginaires, etc. Il est d’autre part de raconter l’histoire de ces populations, leur inscription dans le temps, de faire le récit, ou de montrer –puisque nous sommes dans un musée, un lieu où l’on expose, où l’on montre – de montrer les événements ou phénomènes plus longs auxquels les habitants de ce territoire ont été confrontés et dont ils ont été les acteurs.

Cette double entreprise, cette double ambition, présente un certain nombre de difficultés. D’abord parce que l’histoire a une prédilection certaine pour les hauts faits glorieux et les personnages emblématiques, restant le plus souvent à distance du quotidien des populations. D’autre part parce que l’histoire, qui restitue des faits génériques, souffre souvent, d’un défaut d’incarnation : on sait globalement ce qui s’est passé mais on ne parvient que rarement à entrer dans la dimension humaine de ces faits, ce qu’on appelle parfois la « petite histoire », celle du quotidien des gens du peuple qui constitue l’écrasante majorité de ces populations.

On sait par exemple que les négociants bayonnais ont un peu pratiqué la traite négrière au XVIIIe siècle, moins que Bordeaux et beaucoup moins que Nantes, mais ces connaissances se résument le plus souvent à des données techniques, à des listes, des chiffres, des lieux, des dates. Des hommes, de leurs sentiments, de leurs rencontres, de leur regard sur les autres, de leurs réactions, de leurs comportements, bref de cette dimension universelle d’humanité, rien ou presque rien.

C’est le très grand mérite de cette exposition, qui est le fruit d’un gros et minutieux travail de recherche à la fois historique et archéologique, que de nous permettre précisément d’approcher de manière exceptionnelle cette dimension humaine de l’histoire, d’entrer cœur de l’histoire en étant très proches des hommes et des femmes qui l’ont vécue : ces 150 marins partis de Bayonne en 1760 à bord de l’Utile, navire construit et armé à Bayonne, dont la moitié de l’équipage provenait de Bayonne et des environs. Mais aussi ces 160 esclaves, achetés en fraude sur la côte de Madagascar et abandonnés pendant 15 ans sur un minuscule îlot désertique d’1 kilomètre carré au cœur de l’Océan Indien.

Cette exposition met en lumière un événement tragique mais révèle surtout, grâce à une foule de documents divers et complémentaire, les mécanismes humains qui l’ont fait exister, qui sont tout à la fois l’appât du gain, la déshumanisation, la négligence, le remords, le courage, la ténacité, l’ingéniosité, etc. Cette histoire nous touche directement aujourd’hui parce la dimension humaine qu’elle révèle, qui place tous ces hommes, blancs et noirs, sur un pied d’égalité et nous situe face à eux, dans une troublante proximité.

La richesse de cette enquête et la diversité des pièces présentées dans l’exposition rendent possible cette approche sensible, cette immersion dans l’humain : registres, lettres, journal de bord, tableaux, cartes, objets de la vie courante, etc. Je ne résiste pas à ce propos au plaisir d’évoquer plus particulièrement l’une de ces pièces, une des deux fameuses vues de Bayonne peintes par Joseph Vernet entre 1759 et 1761, précisément au moment où l’Utile est en cours d’armement dans le port de Bayonne. Il s’agit certainement de la peinture de Bayonne la plus célèbre, mais elle n’avait jamais été présentée dans cette ville depuis son départ pour Paris en 1761, il y a exactement 256 ans. C’est un autre grand mérite de cette exposition que de nous avoir donné l’opportunité de rapatrier pour quelque mois ce célèbre tableau, conservé au Musée national de Marine à Paris.

Cette exposition n’aurait pas été possible sans Max Guérout qui en est l’instigateur et le pilote, mais également sans le Musée d’histoire de Nantes qui l’a conçue spécifiquement pour qu’elle puisse voyager dans d’autres musées comme le nôtre. Cette condition d’itinérance a déterminé toute la scénographie, très réussie, et je laisse sur ce point la parole à Laurence d’Haene, responsable des publics et du développement au Musée d’histoire de Nantes, pour qu’elle vous présente l’origine du projet et cette remarquable scénographie.

Jacques Battesti"
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