Depuis deux jours l’alizé faiblit progressivement, les météorologues nous prédisent malgré tout une rotation du vent au nord-est mais elle se fait attendre. La chaleur a augmenté d’un cran, ce qui rend le travail au soleil de plus en plus pénible et nous nous réfugions sous les bâches.

Nous continuons à dégager les murs extérieurs du dernier bâtiment décelé hier, mais nous ne comprenons toujours pas bien.

Vers 11h00 deux courlis volent autour du site archéologique en modulant leur cri caractéristique, la famille s’est donc agrandie, car il y a aussi celui dont nous avons déjà parlé et qui nous accompagne pendant nos promenades, guettant quelque chose à manger. Pourquoi ces échassiers, dont le long bec recourbé est adapté à fouiller dans la vase, ont-ils élu domicile ici ?

À la pause, nous avons encore droit à des noix de coco fraîches préparées par Philippe.

Quand nous abandonnons le travail vers 11h15, la situation est toujours aussi confuse, nous ne savons toujours pas comment les deux bâtiments mis au jour se referment.

Après l’heure de sieste habituelle, toute l’équipe a choisi de travailler à l’ombre, l’espace est relativement étroit et les fouilleurs se bousculent un peu, mais le bâtiment, dont les contours sont maintenant bien dégagés, libère peu à peu de l’espace.

Il mesure 3 mètres de long pour 2 mètres 30 de large, avec un petit décrochement sur l’un des murs latéraux.

A notre plus grand étonnement, plus nous descendons, plus nous nous rendons compte que les couches de sédiment ne se succèdent pas comme dans les autres secteurs, en particulier nous ne retrouvons pas la maintenant fameuse couche de sable blanc qui scelle le site archéologique.

Nous savions qu’un bâtiment avait été fouillé par les météorologues en 1954 ; il faut se rendre à l’évidence, il s’agit bien de celui que nous sommes en train de vider.

Nous avons un témoignage concernant cette fouille dans un récit du capitaine Legeais, de l’Armée de l’Air, qui faisait partie de la mission chargée de faire la première expertise de l’île : « Nous avions également vu sur le monticule nord de l’île des vestiges de ce que l’on considérait comme les anciens abris des naufragés, petites cases grossièrement formées de pierres de corail empilées les unes sur les autres.

Les météorologistes permanents ont fouillé le sol en ce point; ils ont pu se rendre compte d’un fait important : ce que nous avions pris pour la structure de niveau de ces abris n’est en réalité que  la partie supérieure des murs qui prennent assise à 2m50 de profondeur. En dégageant ainsi les parois d’une case, les explorateurs ont trouvé successivement les débris métalliques d’une toiture, de petites fenêtres, les traces d’un foyer et, au milieu d’un humus formé de détritus décomposés, ils ont découvert une gamelle en cuivre ancien (rapiécée en de multiples points), des aiguilles de métal comme on en voit encore entre les mains des couturières malgaches, de pauvres bijoux de pacotille et des amulettes ou gri-gri. »

Fichés dans le sol, nous trouvons deux sortent de très gros clous plantés dans un coin. Voici à nouveau matière à réflexion.

Jean-Michel, l’un des deux aides météo vient voir avec curiosité ce bâtiment enfoui dont il a ignoré, pendant de longues années, l’existence. Il en profite pour nous annoncer que la relève est repoussée d’un jour : soit au 10 décembre.